Mon état d'esprit

 C'était hier matin, le 23 février.

Nous partons pour notre rando hebdomadaire. Un petit air frisquet nous accueille dès notre départ mais le soleil est prêt à devenir opérationnel.

Au coin de la rue, nous rencontrons un de nos voisins. Cela fait huit ans que nous habitons ce petit village mais nous n'y sommes pas encore très connus. Notre absence de plus de six mois chaque année en est sans doute la cause.

Ce monsieur revient de la boulangerie, les petits gâteaux du dimanche à la main. Nous nous arrêtons pour le saluer et discuter un peu avec lui. Nous commençons par aborder LE sujet le plus important, la météo. 

- Il ne va pas faire chaud, nous dit-il, mais je crois que vous avez l'habitude.

Il jette un oeil sur notre clôture où j'ai installé de jolies pancartes avec les photos de couverture de mes livres. Il hésite un peu et poursuit :

- Mais tous ces kilomètres, vous les avez vraiment parcourus ...

Encore un peu d'hésitation, je lis dans son regard la peur d'énoncer une grosse bêtise. Comme son silence dure un peu plus que nécessaire, je termine sa phrase pour lui :

- à pied ? Mais oui.

Nous avons alors droit à cette réponse qu'on nous fait très, très souvent :

- Quel courage, moi, je ne pourrais pas !

Allons donc, ce monsieur est un sportif, plus jeune que nous, seule lui manquerait sans doute l'envie ou la motivation. ceci est une autre histoire.

Nous commençons à parler de nos différents chemins et là m'apparait comme une évidence : cette année, on va, encore plus que d'habitude, au devant d'un grand nombre de " Pourquoi" ?

Résumons, par deux fois, nous sommes allés jusqu'à Santiago ( de Compostelle)... Là, aucun souci, beaucoup collent une étiquette de spiritualité à la démarche et donc comprennent nos départs.

Pour les 4 autres chemins, en France, déjà les questions se font plus nombreuses, mais, somme toute, nous avons toujours marché sur un chemin de Compostelle et, surtout, en direction de Compostelle... Pour eux, tout va bien, cela reste compréhensible... Il en est bien autrement pour notre projet 2015... Là, en l'expliquant à ce monsieur, j'ai vu qu'il ne comprenait pas bien notre "des marches"...

Rèsumons : Nous prenons le TGV pour Bruxelles. Bon, et là qu'y faisons nous ? Nous prenons la décision de rentrer à la maison ( le Morbihan, donc) à pied !!!! Mais POURQUOI ? Pour ceux qui l'ignoreraient, le TGV existe aussi dans l'autre sens !!!!

Pourquoi marcher, juste le plaisir ?

Plus je fouille sur les liens parlant des Chemins de Compostelle, moins je me sens pèlerine... Je me sens devenir ou, plutôt, rester une marcheuse.

Il est commun de lire : " On part marcheur pour, souvent, devenir pèlerin".

Je ne m'y retrouve pas dans cette définition-là. Pour moi, l'homme se met en marche, avec sa motivation propre, et elles peuvent être nombreuses, ces motivations. Avec cette nouvelle mode, car je crois qu'il y a bien un effet mode, le pèlerin, celui qui marche vers un lieu sacré, se retrouve sur le même chemin que d'autres, ceux pour qui la motivation est autre que le spirituel. Bien. Mais pour autant est-ce si difficile de cheminer côte à côte ? Quelles sont nos différences ?

Il nous est souvent arrivés de cotoyer longuement d'autres "pèlerins" sans qu'aucun d'entre nous ne se pose la question de savoir si l'autre est croyant ou pas. Quelle importance ? C'est justement cela qui me convient, à moi, lorsque je suis sur Le Chemin... Aller à la rencontre de l'autre, en faisant abstraction de tout ce qui est inutile, sans importance. L'autre. Est-il catholique ou pas ? Est-il pratiquant ou pas ? A-t-il une religion ? Quel est son niveau de vie dans la vraie vie ? Est-il en haut de l'échelle sociale ou simple ouvrier ? Roule-t-il en Porsche ou se déplace-t-il à vélo ? Aucun intéret à connaître la réponse à ces questions.

Alors, non, je ne suis pas une pèlerine, je ne marche pas vers le sacré, en tous les cas, pas de manière officielle. C'est pourquoi, je me démarque, je refuse d'entrer dans ce monde qui n'est pas pour moi, où je ne m'y sens pas tout à fait à ma place.

Par contre, je revendique le droit de dire que je marche pour le plaisir, je marche par ce que j'aime cela, je marche parce que je suis heureuse lorsque je suis sur le chemin, je marche parce que sur le chemin, je me sens en accord avec mon moi profond.

Et pour marcher, pour me sentir bien, je peux emprunter tout chemin, qu'il soit baptisé de Compostelle ou pas... Cette année, seul environ la moitié de notre parcours empruntera un chemin de Compostelle, c'est comme cela et c'est très bien ainsi, je crois

Mony




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