Adrien, un grand-père bagnard

 

 

Pourquoi tenions-nous autant à assister à la conférence de Denis Seznec, ce 5 octobre 2018, à Pontivy ?

Sans savoir réellement ce que nous allions y chercher, voire y trouver, nous espérions surtout, JC et moi même, nous rapprocher d'un homme qui a consacré toute sa vie aux recherches concernant son grand-père, Guillaume Seznec, condamné à 20 ans de bagne.

 

 

 

 

Notre histoire familiale, depuis très peu, nous nous trouvons confrontés à ce même élément : un grand-père au bagne...

 

Le peu que nous savons 

 

Adrien est accusé du meurtre de Monsieur Menant.

Adrien vivait chez ce Monsieur Menant, avec sa compagne et leur enfant ( Paul, papa de JC) alors âgé de deux ans. Adrien avait de gros soucis d’argent, des dettes etc. Vivait un peu “ en magouillant”. Il s’était fait remarquer en bien lors de la guerre, deux blessures et les honneurs reçus ( ce qui lui vaudra sans doute d’échapper à la peine capitale)...

Extrait “ le petit Parisien 29 juillet 1926 : Le soir, Sauvanet rentra dans le pavillon, et vers minuit, on l'entendit appeler au secours. Un commencement d'incendie venait de se déclarer dans la chambre du vieillard, dont le cadavre gisait à terre, défiguré par le feu. Une lampe posée sur une table près du lit, expliquait le sinistre. Le vieillard, sans doute, avait par mégarde, renversé cette lampe, provoquant ainsi l'incendie. Mais se rappelant les cris entendus dans la journée, un des voisins eut l'intuition d'un crime et d'une mise en scène disposée pour faire croire à un accident. M. Venault le déclara nettement à Sauvanet qui ne répondit rien et partit pour Chamamillay. L'autopsie du cadavre de M. Menant allait transformer ces soupçons en certitude. M. Ménant n'avait pas succombé à des brûlures. II était mort d'une fracture de la colonne vertébrale et les brûlures étaient postérieures à la mort. D'autre part, d'une somme de 6.000 francs qu'il avait chez lui, il ne restait que dix centimes, et, à Chamamillay, chez Sauvanet, on saisit les comptes de banque du vieillard et deux revolvers, appartenant à M. Ménant. Enfin, un moyen de défense invoqué par Sauvanet devait se retourner contre lui. Il avait prétendu que le soir du crime, il avait dîné avec Mlle Ménant et que, par conséquent, le crime n'avait pu être commis dans l'après-midi. Cette affirmation a été reconnue erronée. Sauvanet comparaît donc devant le jury de la Seine pour vol, incendie volontaire et assassinat. La première audience, qui s'est tenue hier, a été consacrée à l'interrogatoire. L'accusé s'est défendu avec la dernière énergie et une véhémente obstination, Le père Ménant est mort. Mais, moi aussi, voilà quinze mois que je suis mort car voilà quinze mois qu'on me garde en prison, quand on n'a rien à me reprocher. Non, rien, et si vous me croyez coupable d'un crime aussi lâche, je vous donne ma vie de bon coeur. A cette attitude, on eût pu se demander si Sauvanet est bien dans la plénitude de son équilibre mental. Mais les médecins l'ont déclaré entièrement responsable.

Ce que nous pensons : Toutes ces « preuves » tendraient à penser que cet Adrien était naïf, pas trop intelligent... il me semble, au vu des articles qui défilent que c’est loin d’être le cas... lui, aurait réussi un crime plus parfait... Par contre, un coq, un peu imbu de sa personne. Cela ne l’aura pas aidé lors du procès... Cet Adrien était loin d'être un ange, avait des gros souci de fric mais je crois sincèrement qu'il a dérangé... et que c'était un peu facile de lui faire porter le chapeau... J'ai reçu en héritage un goût extrême pour la vérité. J'ai par ailleurs un esprit logique, mathématique. Ces deux données cumulées m'empêchent de croire en la culpabilité de cet homme avec pour seul argument que la presse en avait décidé ainsi... Il m’en faudrait un peu plus...

Il est condamné le 30 Juillet 1926 à perpétuité, et embarqué pour le bagne en Guyane le 7 Avril 1927 sur le bateau : « la Martinière ».

Il s’est évadé du bagne le 17 Mai 1927 pour être repris le 13 Juillet 1927. Il mourra alors à l’hôpital 4 jours plus tard.

 

Sans doute blessé lors de sa capture, ou alors ses 2 mois de cavale lui ont été fatals… (Le rapport de l’hôpital permettra d’en savoir un peu plus).

Mais à s'y pencher, à rechercher les parutions, les récits vécus, on s'aperçoit que cette histoire-là, bon nombre y ont été confrontés.

Il suffisait parfois de très peu pour être condamné au bagne... 

Il n’y a pas de hasard.... La naissance d’une belle histoire....

 

Je voudrais de manière très officielle remercier Fabrice, mon Petit Bout... Pour ceux qui suivent, fidèles lecteurs,  il s’agit de « cet enfant » qui m’a retrouvée 44 ans après que je me sois occupée de lui. Éducatrice, je fus sa maman de substitution pendant 3 mois en 1971... Maintenant que je connais son goût pour les recherches, je ne suis plus étonnée qu’il ait réussi à me retrouver 🙂 ( article ici  on peut voir dans les commentaires, 19 février 2016, mes tous premiers contacts avec Fabrice)

Merci à lui pour nous avoir gentiment obligés à démarrer des recherches généalogiques... Passionné, il a commencé par me proposer de faire mon arbre généalogique... Honnêtement, je lui ai répondu que cela m’intéressait peu, je vis dans le présent, le passé... c’est le passé... Mais on ne refuse pas une proposition aussi sympa, je lui ai donc permis de faire ces recherches, du côté de mon père, famille Lair... j’avoue que j’ai aimé découvrir qu’un de mes ancêtres, vers les 1600, avait décidé d’embarquer pour aller voir ce qui se passait de l’autre côté du monde... Ma curiosité éveillée, je me suis dit qu’offrir pour Noël leur arbre généalogique à chacun de nos enfants pouvait être une belle idée... côté Sauvanet cette fois ci... Je previns Fabrice qu’il s’agissait là d’un vrai défi puisque on ne savait absolument rien du grand père de JC... et voilà... c’est ainsi que nous avons, il y a peu, mis un prénom sur ce grand père, il est venu combler un vide ... Adrien est entré dans nos vies... lui et sa triste histoire... découvrir qu’il a été condamné au bagne, s’immerger dans les coupures de journaux de l’époque, lire la presse le condamnant bien avant le procès, découvrir les irrégularités, et apprendre cette condamnation au bagne à perpétuité sur de simples présomptions... 

Nous n’en sommes qu’au début de nos recherches... la prochaine étape sera de nous rendre à Aix en Provence consulter les archives des condamnés au bagne... 

 

Conférence avec Denis, le petit fils... J’avais pris contact avec lui avant... il a proposé, si nous en avions envie, que nous nous exprimions... (en restant discret, nous avions tout à fait la possibilité de rester anonyme) 
Même date, même lieu, il nous a confié le numéro matricule de son grand père. De retour à la maison, nous allons lui fournir celui d’Adrien... il me semble l’avoir lu quelque part... pour nous, tout est récent... pas facile...
Des photos, des documents...très très émouvant... il a insisté pour que nous allions assez rapidement à Aix en Provence pour obtenir tout ce que les archives pourront nous apprendre... 
Une soirée intéressante, passionnante... où on ne peut qu’être convaincus que la justice est une parodie... 
Grande admiration pour cet homme qui a consacré sa vie pour obtenir justice... il est convaincu que son grand père sera réhabilité mais ne l’espère plus trop de son vivant...

 

 

 

Notre sentiment après cette rencontre avec Denis Seznec

Nous voici rentrés de notre petite escapade en Sud Finistère. Ces 4 jours de tourisme nous ont fait du bien, nous ont permis de souffler. Car la conférence avec Denis Seznec nous a bousculés. C'est une chose de lire des récits sur les bagnards, de regarder des documents de l'époque. C'en est une autre quand on est concerné de près. Se dire qu'un de ces hommes-là, voués à l'enfer, pouvait être ce grand-père découvert il y a peu. Quand la justice pouvait être expéditive. Quand la présomption ( de culpabilité) pouvait suffire pour condamner quelqu'un... 

Et ce soir, de retour j'ai ouvert de suite mon ordi pour retrouver un élément important. Cela a été la première question de Denis : " Quel était son numéro matricule ?" 
C'est vrai que ce n'était plus des hommes mais des numéros. Je suis allée à cette conférence sans trop savoir ce que j'allais y chercher... JC n'en savait pas plus je crois. Sans doute pour nous rapprocher d'un homme qui a vécu depuis longtemps et qui vit toujours ce que nous venons à peine de découvrir... 
Denis nous a confié le numéro matricule de son grand-père. Guillaume était devenu le numéro 49302.... Adrien... portait le 49290... Seuls 12 hommes séparaient ces deux grands-pères, ils se sont forcément entrevus. Très peu puisque Adrien s'est échappé peu de temps après son arrivée au bagne. Il a été retrouvé deux mois plus tard et est décédé 4 jours après... 
Adrien prend forme dans notre vie. Il trouve sa place. C'est important pour nous, nos enfants, petits enfants. 
Ce grand père qui n'avait même pas de prénom. On entendait juste dire de lui, " après avoir reconnu son fils ( Paul, le père de JC), il a disparu dans la nature"... Une phrase qui avait une certaine connotation, on entendait, on comprenait à peu près " En abandonnant femme et enfant"... Ce qui n'était pas du tout le cas... Et s'il était vraiment innocent... A qui profitait ce crime dont il fut accusé ? On en est au début de nos recherches, notre intime conviction est faite... Je ne sais pas si un jour on aura des éléments pour le prouver. Peu importe, ce qui est vraiment important, c'est que Adrien trouve sa vraie place dans la famille...

En conclusion de cette histoire relatée avec le peu d'éléments en ma possession, en y incluant mon ressenti ( chacun est libre d'avoir une opinion différente), je voudrais citer quelques mots prononcés par Denis Seznec lors de sa conférence. Mots auxquels j'adhère totalement :

"Il y a peu de témoignages concernant les bagnards. Dans les familles on en parle peu... Moi, j'en parle"

Et Denis a raison, il faut en parler, souvent. 

 

 

 

Pour ceux qui ont Facebook, un article où j'ai mis les éléments en notre possession, au fur et à mesure de nos découvertes 

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Commentaires: 3
  • #1

    Jean- claude (mardi, 09 octobre 2018 17:23)

    Je suis plutôt brut de décoffrage
    Mais là!, en pensant à ce grand père que l'on nous a caché.J'ai le coeur gros .Pour lui mais aussi pour tous ces hommes. La rencontre avec Denis Seznec nous a appris aussi quelques tortures que ces gens ont endurés . Et cela pendant des années!

  • #2

    gitantroubadour (lundi, 05 novembre 2018 07:51)

    J'avais aperçu l'histoire de ce grand père sur mon téléphone et ce matin j'ai lu l'article dans son intégralité. J'adore les contes et légendes et j'aime beaucoup les faits divers anciens également. A l'époque en matière de justice on ne s'embarrassait pas avec les détails.........
    Bonne journée à vous deux !!!

  • #3

    Mony (lundi, 05 novembre 2018 08:36)

    Merci pour ton passage ici et pour ton intérêt pour cette histoire... Celle de JC... Car ce qui nous bouscule c’est qu’on ne parle pas ici d’un ancêtre... Son père, Paul, avait seulement 2 ans mais était présent lors du drame... une sacrée mémoire familiale...
    le réinstaller au moins dans la mémoire de la famille sera notre façon à nous de lui rendre justice
    Bisous et bonne journée