Les souvenirs de mes petits bouts, aérium Le Loup'tiou au Fayet ( suite) Marc...

Je rappelle que j'ai changé le prénom de ces "enfants"afin de pouvoir au maximum partager leurs souvenirs, tout en respectant leur anonymat.

Après les mots de Alice, voici les mots de Marc, tout à fait différents... Comme ils sont nombreux, je vais essayer de les ranger par chapitre...Merci à eux trois d'avoir pris du temps pour égrener pour moi ces souvenirs... Pour moi c'est précieux car souvent inattendu... Et si différents des miens.

Cela confirme tant mes certitudes, à savoir l'impact que les adultes ont sur les enfants, par leur comportement, ou leurs mots.

J'étais celle qui était présente, et 3 mois pour un enfant c'est très long... En plus, contrairement à une maman, nous n'avions qu'à nous occuper des enfants, pas de ménage, pas de cuisine etc. Nous étions donc très disponibles, et nos journées n'étaient qu'un défilé d'activités... Sympa pour un enfant, enfin je pense. Bon, nous, on ne s'ennuyait pas, on avait une douzaine de petits bouts, fallait bien cadrer tout ce petit monde... j'en ai vu certaines très débordées. 

Je crois, d'après le peu que je vois, que les enfants ont besoin de mettre des mots, peut être des images sur leurs souvenirs... Moi, j'ai écrit cet article et je m'aperçois que des "enfants" ont, eux aussi, ce besoin de reparler de cet épisode et cela me fait plaisir...

 

Je viens de lire avec beaucoup d'émotion votre article sur Lou P'Tou. Suite au décès de notre papa, mon frère et moi avons séjourné à l'aérium du Fayet. Nous avions 3 ans pour mon frère et 5 ans pour moi. J'ai conservé beaucoup de souvenirs, quelques photos, mes dessins et lettres envoyées à notre maman (écrites par les éducatrices). Ce ne sont pas vraiment mes années bonheur mais j'en garde, tout de même, de bons souvenirs. Je me demande ce qu'est devenu le chalet.

Jeudi dernier, une recherche sur Google, m’a conduit directement sur votre site. J'ai immédiatement reconnu la photo couleur du chalet... J'ai conservé, moi aussi, cette photo qui vient de la petite brochure que nous avons eue avant notre départ. J’ai été très touché par votre billet, vos photos et les paroles de votre chanson « Elles étaient une dizaine »... les monitrices que j’ai connues ! J’ai parcouru votre blog et n’ai pas résisté à l’envie de vous écrire. Effectivement, nous n'avons pas pu nous croiser, mais à quelques mois près, nous avons vécu dans les mêmes lieux et peut-être avons-nous connu les mêmes personnes. Apparemment, chacun à notre manière avons été marqués par notre séjour à Lou Ptiou.

Pour mon ressenti, c’est un peu compliqué, nous aurons l’occasion d’en reparler… globalement je dirais des moments très difficiles avec un bilan d’ensemble plutôt positif.

Je réalise qu’il est très difficile d’exprimer mon ressenti de l’époque en faisant abstraction de mon raisonnement d’adulte. Lorsque nous sommes rentrés à la maison, plusieurs fois maman nous a dit que les monitrices m’aimaient bien… que j’étais le chouchou et qu’elles n’étaient pas aussi gentilles avec mon petit frère. Je ne répondais pas mais je savais que c’était faux. Elle pensait cela, car lorsqu’elle est venue (2 ou 3 fois) nous voir à Lou Ptiou, mon frère voulait absolument rentrer avec elle, alors que moi je ne disais rien, je ne demandais rien, je ne pleurais pas… comme si j’étais heureux là où j’étais. Avec le recul, je me dis que pour une mère mon comportement devait être un peu frustrant. Je ne me suis jamais attachée à d’autres enfants ou aux monitrices qui dans l’ensemble n’étaient pas spécialement tendres. Je ne me souviens pas d’une personne en particulier, ni visages ni prénoms, mais j’ai des souvenirs de situation dans des lieux précis avec des enfants et des « dames ». Vis-à-vis de ces dames, je n’ai jamais ressenti d’affection ou d’attachement. D’un autre côté, je ne les ai pas détestées non plus et je n’ai jamais eu de rancœur. Au mieux elles m’étaient indifférentes au pire je les craignais… de la crainte qui c’est tout de même atténuée au fil des mois passés à l’aérium.

Pour les lettres des monitrices, elle se trouvent chez ma mère. J’irai les récupérer à Noël.

Question : avez-vous le souvenir d’un petit poulailler grillagé sur le bord de la route que nous prenions lors de nos promenades ?

 

Comme je le pensais, je n’ai pas le souvenir de visages. Par contre la pièce mansardée avec le parquet et le lambris, correspond assez bien à des images conservées dans ma mémoire. Je me souviens d’une autre pièce mansardée, beaucoup plus claire où nous avions réalisé une grande mosaïque de peinture avec des tampons, de formes géométriques, découpés dans des pommes de terre (bon souvenir). Mais c’est dans une autre pièce du chalet que j’ai passé le plus de temps : une salle au rez-de-chaussée je crois où les grands étaient ensemble, dans la salle d’à côté il y avait les moins grands et les petits se trouvaient dans une autre pièce. Dans notre salle nous avions une grande table, des chaises et un grand placard où les jouets étaient rangées. J’ai également bien connu l’infirmerie à la fin de mon séjour… je vous raconterai… A propos, si je vous dis «Lit cage » ça vous parle ?

 

Un souvenir parmi tant d'autres...

En cette fin de journée d’hiver, nous étions de retour d’une promenade. Nous marchions sur une route qui montait au chalet, il faisait froid (la même route où se trouvait le petit poulailler grillagé). Sur ma gauche, légèrement devant moi, deux monitrices marchaient côte à côte et discutaient ensemble. Face à nous, arriva une jeune femme que je n’avais jamais vue auparavant (Taille adulte mais plus jeune que les monitrices… Peut-être 15 ou 16 ans) les bras croisés, la tête baissée, elle marchait d’un pas rapide. Elle nous croisa sans nous regarder, elle avait le visage plutôt rond et rougi par le froid (le seul visage de Lou P’tiou dont je me souvienne).Elle n’était pas chaudement habillée, pas de manteau, et semblait avoir froid. Une fois croisée, les monitrices se sont mises à rire et à se moquer d’elle. Je ne me souviens pas de leurs propos, je crois d’ailleurs que je ne les avais pas compris. En fonction de ce que j’ai vu et des mots des monitrices, j’ai pensé que la jeune femme n’avait plus de maison, que son père l’avait mise dehors, qu’elle était perdue, qu’elle n’aurait pas le temps d’arriver au village avant la nuit, qu’elle allait peut-être mourir de froid dans la nuit. J’étais à la fois inquiet et triste… comme si c’était une fatalité. Le soir dans mon lit et les jours qui ont suivi, je pensais à cette jeune femme, j’avais un sentiment d’angoisse et me demandais ce qu’elle était devenue. Je ne l’ai jamais revue. 

 

Je précise à propos de ce souvenir que le chalet était à environ un seul kilomètre du Fayet... Donc, bien sûr, cette personne était tout près du village... Mony

Prise de température

Par contre, j’ai un mauvais souvenir de «la prise de température » !! Impossible de vous dire si elle avait lieu tous les matins ou seulement en période d’épidémie. Je vois encore au-dessus d’une armoire, un genre de bocal avec au fond du coton immergé dans un liquide dégageant une très forte odeur d’alcool ou autre formol, d’un aspect transparent avec une légère teinte jaune-vert. Une dizaine de thermomètres à mercure baignaient dans le produit. Après le réveil, nous étions, chacun couché en travers de notre lit le pyjama baissé attendant que la monitrice passe avec le bocal pour nous mettre le thermomètre… vraiment très désagréable et un peu douloureux… c’est surtout le produit qui piquait. Au deuxième passage, la monitrice récupérait le thermomètre et vérifiait que nous n’avions pas de fièvre.

 

 

Ma réponse :

Je me suis souvent posée des questions à propose de divers sujets, à savoir si j'avais effectué mon travail au mieux mais il y a des sujets auxquels je n'ai absolument jamais pensé... Et pourtant, oui, en vous lisant, avec cette prise de température, je comprends tout à fait le ressenti d'un enfant... Alors pour infos, nous étions tenues de prendre la température de chaque enfant à chaque réveil, le matin et après la sieste. Soit deux fois par jour, tous les jours... Et oui... A l'époque, on craignait beaucoup les épidémies.

Pour moi, un souvenir très différent à ce propos... Un jour, est arrivé un petit garçon, Yves, le même dont je parle à propos du néon ici

Les collègues, plus anciennes, m'avaient prévenue «  Fais attention, c'est le roi des mangeurs de thermomètre » ??? Il faut dire que nous étions responsables de ces fichus thermomètres et que s'il venait à être cassé, son prix était retenu sur notre salaire... Ce n'est que plus tard que je me suis penchée sur la législation du travail … Autre sujet.

 

Bref, me voilà prévenue sur les agissements de ce petit bonhomme... Et... Bien que super attentive, j'ai dû rembourser 3 thermomètres au long de son séjour... Il était d'une rapidité incroyable pour le récupérer et … le croquer... Il ne s'est jamais blessé... Ouf !!!

 

Le courrier

Concernant les lettres, je pense que les monitrices les écrivaient seules. Je n’ai pas de souvenir d’avoir été présent lors de la rédaction de l’une d’elle. A l’exception de la lettre au Père Noël… mais j’y reviendrai une autre fois.

 Il y avait également le courrier que nous recevions de la famille. Je pense que tout est resté à Lou P’Tiou… Cela se passait dans notre salle, la monitrice était assise à la table avec un petit paquet de lettres et cartes postales. Nous étions autour d’elle attentifs, espérant avoir quelque chose. C’était assez frustrant, quand, la dernière lettre lue par la monitrice, il n’y avait rien pour nous. Ce qui était, j’ai l’impression, souvent mon cas. Un jour, la monitrice nous montre une carte postale très colorée avec des personnages de BD (genre Mickey ou Donald). Nous étions tous émerveillés par l’image et convaincus qu’elle était destinée à un petit garçon qui recevait régulièrement ce type de carte. Lui-même s’écria : « c’est à moi », à quoi la monitrice répondit : « Marc »… Impossible de vous décrire le plaisir intense ressenti à cet instant. Ma carte postale a été affichée avec d’autres sur un panneau contre le mur de notre salle. Je pouvais la voir en levant la tête mais impossible de la prendre. Snif...

Ma réponse

 

Les lettres qui arrivaient n'étaient pas nombreuses. Je pense qu'avec le temps les parents ne savaient plus trop que raconter à leurs enfants qui pour la grande majorité ne savaient pas encore lire. A ce sujet, Franck m'a un peu mise en boite parce que je terminais mes lettres invariablement par un " Je ne vois pas quoi d'autres ajouter à ce petit mot"... Je devais, moi aussi, manquer d'imagination. Il faut dire que nous avions une douzaine de lettres à écrire et que cela se faisait, si ma mémoire est bonne, sur notre temps libre.

 

Oui, je me souviens de ce moment de la distribution du courrier, moment que je n'aimais pas, c'était trop difficile pour les enfants qui ne recevaient jamais rien... Oui, recevoir une lettre, c'était un moment magique pour celui qui avait cette chance... Par contre, il me semblait bien que le courrier reçu était remis dans la valise en fin de séjour...

Souvenirs, en vrac...

Evoquer ces souvenirs apporte un sentiment étrange mais je le reconnais, ça fait du bien… Pour moi, bizarrement, si mes souvenirs sont mitigés, le séjour ne m’a pas apparu si long. Au fil des semaines et des mois, je crois que je me suis adapté à cet environnement. A mon retour à la maison j’avais… comment vous dire ?… une sensation de fierté d’avoir été à Lou P’Tiou !!! Lou P’Tiou faisait partie de mon identité.

Aucun souvenir de la pesée, mais je ne suis pas surpris de la pratique. A l’époque, cela devait être la principale préoccupation de parents qui pour certains, enfants, n’avaient pas toujours mangé à leur faim et pour d’autres conservaient l’expérience malheureuse de leurs propres parents.

 

 

Le porridge !?… Berk !! J’avais vraiment du mal à l’avaler !!

Oui s’habiller tout seul…

Je me souviens avoir appris à faire les boucles de lacets avec la ceinture de ma robe de chambre.

Ma réponse

Alors, parlons, par exemple du Porridge ( que perso, j'ai découvert à l'époque, je ne connaissais vraiment pas)... Donc, vous n'aimiez pas vraiment. Avez-vous des souvenirs à ce sujet ? Style, on vous obligeait à le manger tout de même ? Pour moi, ce côté alimentaire me perturbait beaucoup. Je n'aimais pas ce côté de mon travail, avoir l'impression que vous étiez là pour qu'on vous gave... J'avais moi même eu des relations difficiles avec la nourriture, étant enfant, et je crois que j'ai été assez cool avec mes petits pensionnaires... Enfin, dans le peu d'espace que l'on me permettait...

Oui, apprendre à lacer ses chaussures, avec une ceinture... Un moyen comme un autre... Je n'utilisais pas cette méthode. En revanche concernant ces robes de chambre, j'ai quelques souvenirs. Il me semble que les enfants étaient douchés avant le diner et, oui, ensuite, il leur fallait un vêtement chaud pour descendre au réfectoire. Mais ce dont je me souviens surtout, ce sont les alertes incendie... En avez vous eue ? On nous avait bien expliqué, à nous monitrices, l'importance de faire mettre rapidement ce vêtement aux enfants en cas d'alerte... Il faut rappeler qu'en hiver les températures descendaient très bas. 

 

Alors donc, ces alertes étaient prévues, ce qui n'était pas très juste car nous n'opérions pas ainsi en conditions normales. Et c'est aussi pourquoi cela était aussi affolant. Il y avait donc cette sirène qui se déclenchait, un bruit énorme, affolant pour nos petites têtes ( et même pour nous, ce bruit était stressant au maximum)... Vous imaginez ? Ces petits réveillés en sursaut avec ce bruit ? Leur faire mettre chaussons, robes de chambre, les réunir et descendre avec eux... Cela nous prenait un temps considérable, beaucoup trop long... Pourtant, prévenues, nous étions, nous, habillées et nous étions prêtes à intervenir... J'ai toujours pensé qu'en cas de vrai incendie, cela aurait été un vrai cauchemar... D'autant que nous monitrices dormions presque toutes au second étage, un escalier en bois, sans issu de secours, nous n'aurions eu aucun moyen de descendre... Bref... Voilà ce que ces robes de chambre ont évoqué chez moi...

Écrire commentaire

Commentaires: 3
  • #1

    Mony (mercredi, 01 juin 2016 09:58)

    Ce sont des extaits de conversation, il y en aura peut être d'autres... Pour moi, ce fut un vrai bonheur de passer de l'autre côté... Si des professionnelles de la petite enfance passaient par là, qu'elles s'inspirent de tous ces souvenirs d'enfants... On ne passe jamais dans la vie d'un enfant sans laisser de trace... Faisont tout pour que ces traces soient heureuses et positives....

  • #2

    Cordée (mercredi, 01 juin 2016 11:17)

    Et dire que je n'ai pas encore pris le temps pour aller faire des photos là-haut...
    Il faut dire, qu'en hiver, c'est pas évident, mais je te promets ! j'irai !!!
    Magnifiques et émouvants échanges.
    Bises ma belle et MERCi pour ce partage.

  • #3

    Mony (mercredi, 01 juin 2016 17:27)

    Merci Clarisse... Oui, une photo récente leur fera sans doute plaisir... Il me reste à mettre le récit de Franck... Très complet aussi... Mais il me faut trier car, hasard de nos vies, nous avons tous les deux un autre sujet en commun et nos conversations ont été entrecoupées et ne concernaient pas toujours le Loup'tiou...
    Je m'y mets un peu plus tard...
    Bisous